lundi 3 mars 2008

Energie éolienne : économique et écologique !

Une récente étude réalisée par la Fédération de l’environnement durable, rassemblant des associations opposées aux éoliennes, a comparé l’évolution des émissions de CO2 (gaz carbonique), le principal gaz à effet de serre, des pays qui ont le plus développé en Europe les éoliennes. Logiquement, puisque les éoliennes n’émettent pas de CO2, ces pays devraient présenter un bilan particulièrement favorable.

Mais les chiffres de l’office statistique européen Eurostat montrent que l’Allemagne, malgré un parc éolien de plus de 18 000 MW, a vu les émissions de CO2 par habitant provenant du secteur de l’énergie non pas décroître mais augmenter de 1,2 %, entre 2000 et 2005. L’Espagne, avec plus de 10 000 MW, a connu une augmentation de 10,4 % sur la même période. Seul le Danemark, champion mondial des éoliennes compte tenu de sa faible population, connaît une baisse de 11 %. Alors, faut-il déduire de cette étude, comme le voudraient leurs auteurs, que l’éolien est inutile et sans intérêt en matière d’environnement ? Certainement pas car cette étude, au demeurant salutaire, ne fait que montrer que la réalité énergétique est complexe et que l’éolien à lui seul ne résoudra évidemment pas le défi du réchauffement climatique.

Tout d’abord, ne pas séparer l’énergie éolienne de son contexte local spécifique de production. L’Espagne a connu un développement économique très important, qui a fait exploser la consommation d’électricité. L’Allemagne a intégré sa partie orientale, dont la consommation électrique a fortement augmenté pour rejoindre le niveau de la partie occidentale. Et ce que ne disent pas les opposants à l’éolien est que, sans éoliennes, les émissions de CO2 de l’Allemagne seraient encore bien plus élevées.

Mais au-delà de la prise en compte des contextes locaux, cette étude a le mérite de rappeler que le développement des énergies renouvelables doit s’inscrire dans le cadre d’une politique globale et cohérente de réduction de la demande et de la consommation d’énergie, comme le soulignent Raphaël Claustre, directeur du Centre de liaison des énergies renouvelables et Jean-Louis Bal, chargé des énergies renouvelables à l’Ademe.

En 2007, la puissance totale du parc éolien français a atteint près de 2 500 MW, ce qui place la France au 3ème rang européen en termes de puissance éolienne annuelle installée, derrière l’Allemagne et l’Espagne. Et contrairement à ce qu’affirment ses opposants, l’énergie éolienne permettra d’éviter l’émission de 1,65 MT de CO2 en 2008.

L’Union européenne et la France ont fixé des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables. Ce développement, associé à une politique ambitieuse d’économies d’énergie, s’inscrit dans l’objectif de diversification des approvisionnements énergétiques de la France.

L’objectif européen fixé par le paquet "Climat-Energie" du 23 janvier est de réduire la part des énergies carbonées et d’augmenter la part des renouvelables de 37 Mtep (Millions de tonnes équivalent pétrole) en 2020 afin d’atteindre une proportion d’au moins 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. Ceci suppose une augmentation de 122 % de toutes les énergies renouvelables d’ici 2020. Parallèlement, notre pays doit réduire de 14 % ses émissions de GES, ce qui représente 77 millions de tonnes d’équivalent CO2 (par rapport au niveau de 2005), soit une diminution annuelle de 6 millions de tonnes d’équivalent CO2.

Il est clair que pour parvenir à atteindre simultanément ces deux objectifs très ambitieux, il va falloir à la fois réduire de manière considérable nos besoins d’énergie "à la source" et augmenter de manière non moins importante notre production d’énergie renouvelable.

A cet égard, les données du gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE) indiquent que la consommation d’électricité continue à croître malgré les efforts de maîtrise de la demande d’électricité. Le premier objectif est donc de réduire la consommation d’énergie. A cet effet, l’ADEME vient de modifier sa politique d’accompagnement des projets portant sur les énergies renouvelables. Ses aides aux énergies renouvelables sont désormais conditionnées à une étude préalable d’efficacité énergétique : avant de produire plus d’énergie, il faut avant tout réduire au maximum les besoins de consommation.

Des scénarios prévisionnels du RTE démontrent la réduction des émissions de CO2 associée à la croissance du recours à l’éolien. La production éolienne se substitue essentiellement à des productions à partir d’énergies fossiles, comme le montrent les scénarios prévisionnels du RTE.

Le RTE (Bilan prévisionnel de l’équilibre offre demande d’électricité en France, édition 2007) a élaboré plusieurs scénarios de croissance des consommations et du parc de production d’électricité en France à l’horizon 2015. La majorité des scénarios intégraient un développement de l’éolien qui passait de 2 200 MW en 2006 à 15 000 MW en 2015.

Dans ces scénarios, une réduction nette des émissions de CO2 du système électrique est prévue entre 2006 et 2015 (entre 15 et 35 %). En 2020, un parc de 25 000 MW (produisant 43 TWh par an) devrait permettre d’éviter l’émission par le secteur énergétique de 16 millions de tonnes de C02 par an, soit 640 tonnes de CO2 par MW éolien installé, ou encore 300 000 tonnes par TWh éolien produit, en se basant sur le rendement éolien moyen constaté en 2007 qui est de 1,71 TWh produit par an pour 1000 MW éolien installé. Cette réduction de 16 millions de tonnes de CO2 grâce à l’éolien représente 20 % de l’effort final à accomplir (77 millions de tonnes de CO2 par an en 2020), ce qui n’est pas du tout négligeable.

L’énergie éolienne est certes intermittente, mais prévisible à court terme et peut contribuer significativement à l’équilibre du réseau à l’échelle du territoire.

La variabilité de l’énergie éolienne est une réalité physique mais les progrès de la modélisation et de la prévision météorologique permettent de les anticiper de mieux en mieux. En quelques décennies, malgré la variabilité de nos consommations électriques, les gestionnaires de réseaux électriques ont réussi à prévoir les variations de l’appel de puissance des consommateurs. Ceci en fonction d’une multitude de facteurs : jour de la semaine, heure, saison, température, humidité, ...

L’analyse du dernier bilan prévisionnel du RTE démontre que la productivité du parc éolien français est largement supérieure à la moyenne européenne. Cette spécificité s’explique par le caractère particulièrement avantageux des régimes de vent français (deuxième gisement éolien en Europe, derrière la Grande-Bretagne). En France, comme le montrent les atlas éoliens départementaux et régionaux réalisés par l’ADEME en partenariat avec les acteurs territoriaux, nous disposons de trois régimes climatiques différents et complémentaires : océanique, continental et méditerranéen. De ce fait, le vent souffle toujours quelque part dans l’hexagone, c’est ce que les spécialistes appellent "l’effet de foisonnement". Les éoliennes étant déployées sur l’ensemble du territoire, elles peuvent donc continuer à approvisionner le réseau électrique national.

Par ailleurs, contrairement à certaines affirmations des opposants irréductibles àl’éolien, l’électricité d’origine éolienne ne nécessite pas une puissance équivalente en centrale thermique pour pallier ses variations. Selon les experts du gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité, un parc éolien national d’une puissance de 10 000 MW, réparti sur les trois régions climatiques, apporte la même puissance garantie que 2800 MW de centrales thermiques à flamme, évitant ainsi les émissions de CO2 associées.

Une analyse de l’ADEME des données du RTE montre que les émissions de CO2 évitées par l’éolien sont de 300 g/kWh, soit 0,3 tonne par MWh. Une étude du RTE sera conduite prochainement pour affiner ce résultat. La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) prévoit par ailleurs pour 2008 une production de 5,5 TWh qui représentera donc 1,65 million de tonnes de CO2 évitées (sur un total de 420 millions).

La montée en puissance de l’éolien se traduira, suivant les prévisions de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) par un coût de 92M€ ; cela équivaut à un coût de la tonne de CO2 évitée par l’éolien estimée à environ 56 €.

Quand au surcoût pour le consommateur, il reste modeste. En 2008, le montant de la CSPE (Contribution au service public d’électricité) a été fixé à 0,0045 euro par kWh, soit, en moyenne, 16 euros pour un foyer de 4 personnes.

On voit donc que l’énergie éolienne, dans le contexte géoclimatique français, dans la mesure où elle s’inscrit dans une politique globale de sobriété et d’efficacité énergétique, et compte tenu de notre potentiel éolien "offshore" considérable et des progrès technologiques remarquables qui permettent à présent la construction d’éoliennes géantes de 5 MW produisant en mer 18 millions de kWh par an (la consommation de 5000 foyers), est une énergie à la fois rentable sur la plan économique, vertueuse sur la plan écologique et, de surcroît, créatrice d’emplois.

René Trégouët
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

1 commentaire:

Fondation a dit…

Je suis surpris par le fait que des éolienne puissent avoir une bonne influence sur les rejets de gaz carbonique en France. En effet je pensais que l'utilisation de l'énergie nucléaire pour produire de l'électricité combinée à celle de l'hydraulique pour gérer les pointes laissait bien peu de possibilité d'améliorer encore notre production. Mais même dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux faire cet investissement dans un pays où l'électricité est plus carbonnée afin d'avoir une amélioration plus sensible des rejets de CO2? Si on pense l'Europe comme une zone unifié ne devrait-on pas pouvoir faire cet investissement n'importe où et le compter pour la France? (puisque les quotas sont par pays)