dimanche 12 octobre 2008

Les promesses du photovoltaïque

Cet été, l’énergie solaire a frappé très fort. Le laboratoire américain des énergies renouvelables (NLREL) a annoncé avoir conçu une cellule photovoltaïque de 41 % de rendement


Autrement dit, les chercheurs ne sont plus très loin de savoir transformer la moitié de l’énergie solaire qui arrive sur Terre en électricité. A Valence, il y a une semaine, lors de la Conférence européenne sur l’énergie solaire réunissant 4.000 chercheurs, d’autres records sont tombés. Pratiquement toutes les technologies photovoltaïques sont concernées. Ces bêtes de course ne sont pas uniquement des prouesses de laboratoires, elles laissent entrevoir dans leur sillage une évolution rapide de ces technologies. « C’est un grand cru scientifique, estime Daniel Lincot, directeur du Laboratoire d’électrochimie et de chimie analytique et président du congrès de Valence. On voit sortir des laboratoires de nouveaux concepts avancés, en parallèle des efforts de recherche pour diminuer les prix des technologies au silicium. »

Tous les chercheurs ont aujourd’hui le regard vissé sur le rendement maximum théorique : 84 % de l’énergie des photons pourraient être convertibles en électricité. Dans cette course de fond, les stratégies divergent. Certaines technologies produisent des performances élevées mais d’un coût prohibitif. D’autres laboratoires partent au contraire de procédés économiques pour en faire des technologies à meilleur rendement. L’optimum est actuellement détenu par la technologie à silicium cristallin, qui truste 94 % du marché. Les meilleurs laboratoires, comme celui de Sanyo ou de Sunpower, dépassent les 20 % de rendement, et les usines sortent des produits à peine moins performants. Mais cette filière utilise les galettes de silicium de l’industrie microélectronique de 200 microns d’épaisseur. Elles sont donc coûteuses à fabriquer, et leur disponibilité est limitée.

Les cellules à couches minces pourraient prendre le relais de la filière classique, car elles s’approchent de l’industrialisation. Elles consistent en un substrat de type verre recouvert d’une couche de quelques microns de silicium amorphe. L’économie de matière offre des coûts de production trois fois inférieurs, mais leurs rendements tombent autour de la dizaine de pourcents. Certains laboratoires et industriels veulent maintenant désaccoutumer le photovoltaïque de son addiction au silicium. Ils reprennent le concept des couches minces mais avec des revêtements de matériaux alternatifs. Deux substances ont émergé parmi les centaines déjà testées : le CdTe et le CIGS (cuivre-indium-gallium-sélénium). Le laboratoire de Daniel Lincot travaille sur cette dernière piste et frôle actuellement les 20 % de rendement.

Cette technologie de déposition a pour autre intérêt de pouvoir produire des surfaces importantes de capteurs, alors que le silicium reste cantonné aux petites galettes. Plusieurs fabricants d’écrans plats, maîtres dans l’art de la déposition de couches, se reconvertissent actuellement dans cette filière. D’autres secteurs comme les industriels du revêtement d’étain cherchent également à exploiter leurs savoir-faire. Le californien Nanosolar utilise, lui, des procédés d’imprimerie pour sortir ses premières cellules flexibles. L’investissement de telles capacités de production promet des réductions importantes de coûts. Les premiers exemplaires de cellules de 30 cm de large plafonnent toutefois à 7 % de rendement.

Pour parcourir les dizaines de pourcents qui les séparent du rendement théorique, les chercheurs explorent des voies plus radicales. Les cellules actuelles ne savent transformer en électricité qu’une petite partie du spectre de la lumière entre l’infrarouge et le proche ultraviolet. Cela vient du fait qu’un matériau photovoltaïque ne sait récupérer qu’un sursaut précis des électrons quand ils sont excités par la lumière. Tous les photons qui ont une longueur d’onde inférieure ne permettent pas aux électrons du matériau d’aboutir à un courant : ils retombent dans leur trou. Ceux qui ont une énergie supérieure ne livrent que le sursaut absorbable par le matériau.

Pour élargir le spectre des cellules, les chercheurs redoublent d’inventivité. La première voie consiste à empiler plusieurs couches photovoltaïques ; chacune spécialisée dans un spectre. C’est grâce à trois empilements que le NREL a atteint son record de 41 % de rendement. D’autres laboratoires misent sur un filtre en amont de la cellule pour compresser les longueurs d’onde des photons incidents pour les faire rentrer au « chausse-pied » dans le spectre du matériau photovoltaïque. Mais le congrès de Valence a couronné une démarche plus prometteuse encore, celle du chercheur australien Martin Green. Il intègre dans le silicium des nanoparticules de dioxyde de silicium au comportement quantique. Ce matériau ouvre la bande infrarouge à l’effet photovoltaïque.

Reste enfin la stratégie des cellules organiques (en plastique). Cette voie vise des coûts très bas mais ses rendements restent faibles. L’école polytechnique fédérale de Lausanne vient toutefois de dévoiler un prototype de cellule à colorant qui dépasse les 11 %, prouesse inimaginable il y a quelques années. Cette technologie est la plus proche de la photosynthèse végétale, le processus parfait de conversion d’énergie solaire. Les plantes transforment les photons grâce à des molécules de colorant comme la chlorophylle qui savent stocker l’énergie dans leurs électrons.

Les cellules organiques sont des films poreux recouverts d’une très fine couche de particules de pigments en contact avec une solution électrolyte. Quand un photon frappe la cellule, il produit une charge négative dans le pigment et une charge positive dans l’électrolyte, menant à un courant. Pour doper cet effet photovoltaïque assez faible, les scientifiques ont eu l’idée d’augmenter les interfaces entre le colorant et l’électrolyte. Les prototypes comportent ainsi des surfaces actives dont la géométrie rappelle les poumons ou les arbres. Ces organisations vivantes savent maximiser les surfaces de contact, à la manière des fractales. Ce sont du coup les chimistes, et non les physiciens qui sont les plus en pointe dans ce domaine.

Il est actuellement impossible de savoir laquelle de ces technologies couvrira à terme les toits et les champs du XXIe siècle. « Il ne faut pas les opposer, la compétition reste ouverte », promet, optimiste, Daniel Lincot.

Source : http://www.lesechos.fr/info/metiers/4774594.htm

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